Lundi

20 février 2023 § Poster un commentaire

Vingt février

Huit ans. Joyeux anniversaire « Mon Journal ». Je ne vais pas mourir, enfin pas dans l’immédiat. Je me souviens du jour où je t’ai crée, où les mots se sont alignés ensemble pour devenir des souvenirs déposés là, sur le blanc de l’écran. Je venais de parcourir les mémoires d’un homme mourant et je m’étais demandé pourquoi s’écrire uniquement lorsque la fin approche / est proche ? Pourquoi ne pas tatouer les mots sur la toile quand on se sent plus vivant que jamais ? Même si, dans le fond, c’est prétentieux d’assurer que je ne vais pas mourir sans savoir de quoi sera faite la seconde suivante. Peut-être n’aurais-je même pas le temps de finir cet article ou peut-être pourrais-je encore en écrire des milliers, pendant les huit prochaines années.

J’écrivais à V ce matin. Pour lui dire que je vais mal et que c’est sûrement la première fois que je vais aussi mal. Mais j’ai l’impression d’avoir déjà dit ça un million de fois. Cette fois, des symptômes physiques viennent traduire mon mal-être, celui que je repousse. Dans le fond, j’espère secrètement que ces symptômes sont bien psychologiques et qu’ils ne sont pas la conséquence d’autre chose – d’incontrôlable.

Enfin, pour l’instant, ma dépression n’est pas plus contrôlable qu’un vulgaire cancer qui prend toute la place dans mon quotidien. C’est la première fois que j’utilise cette expression : « ma dépression ». Habituellement, je parle de petite déprime, d’un peu de tristesse, d’un léger mal-être. Pourtant elle est tout le contraire : elle est énorme, affreuse, elle est grande peine et terrible colère, elle est un amas d’émotions et de souvenirs qui ne savent pas cohabiter.

Alors je serre les mâchoires, je hausse les épaules. J’ai des maux de tête incessants, les trapèzes raidis, la tête s’embrouille, les oreilles tambourinent. Un nouveau symptôme apparait régulièrement, parce que je n’écoute pas. Je prends rendez-vous chez l’ORL, chez l’ostéopathe, j’ai même une IRM à faire (des cervicales) et puis je dois aller chez une magnétiseuse, ce que je n’assume pas – étant plutôt une adepte de ce qui se prouve et se voit.

Mais dans le fond c’est l’âme qui a besoin de guérir et l’esprit qui est épuisé. Y a-t-il des médecins de l’âme et des cœurs brisés ?

Vingt Février. Huit ans de ce journal d’une femme qui ne va pas mourir. Et encore beaucoup de bordel émotionnel.

(3) Et puis, le silence

2 Mai 2020 § Poster un commentaire

TES YEUX OCEAN (3) – Et puis, le silence

Allongée sur le lit de toutes ces émotions, j’avais très froid. Froid de son silence, de l’absence qu’il m’imposait comme je l’avais fait maintes fois déjà. Je me languissais de ses mots, comme une drogue dont il m’aurait privé. Mes souvenirs étaient ma seule échappatoire. Plonger encore et encore dans ma mémoire pour y retrouver une empreinte de lui, fade et tristement insipide, mais de lui quand même. Les fragments de nos adolescences me fuyaient à mesure que le temps m’en éloignait, j’éprouvais donc des difficultés à me remémorer l’odeur de nos propos. Cependant, j’arrivai sans mal à me rappeler cette période sombre de ma vie dans laquelle il fut ma seule et unique lumière. Entichée d’un homme aux airs rudes et sévères, duquel je ne m’étais pas méfiée, ma vie se balançait à la fréquence de ses coups. Tantôt des coups au corps, tantôt des coups à l’âme, il ne restait plus rien de mon pétillant sourire. La seule lueur que j’apercevais encore était celle de ses yeux océan, qui m’appelaient, à des kilomètres de moi. A peine majeure et déjà brisée, seuls ses mots ne m’ont jamais abandonné.

(2) Ton souvenir

(1) Les lettres

Mardi

14 avril 2020 § Poster un commentaire

14 avril 2020

Eh bien, je fais de la poésie. Et de fait, je trouve moins de mots à raconter sans chercher systématiquement la rime. Tantôt j’ai besoin de raffinement, tantôt j’ai besoin de simplicité, les deux peuvent-ils être de paire ? Le raffinement simplifié. Je sais, ce n’est pas très original de parler confinement. Mais, en soit, c’est plutôt représentatif de nos quotidiens. Je suis partagée. Il y a ceux qui me font de la peine, cloîtrés dans leurs appartements, à n’avoir que trop peu d’air à respirer. Mais une partie d’entre eux s’estiment heureux, de ceci de cela. Il y a ceux qui sont fragiles et ceux qui ne le sont pas, mais qui sont très inquiets quand même. Dans tout cet amas de vies partagées, c’est dur de se plaindre ou de se vanter. Et que puis-je écrire si ce n’est des lamentations ou des hommages ? J’imagine que nous nous adaptons, chacun à notre niveau. Et si parfois l’un se contentera d’un jardin, l’autre ne saura plus s’en contenter. Vous prenez un bocal, vous y mélangez appétences et anxiétés, une de chaque par personne, vous secouez et vous obtiendrez un aperçu de votre cantonnement à résidence. Les plus chanceux vivent avec des personnes qui sont conscientes de cela et qui, de fait, agissent en fonction, comme moi ! (Je ne suis pas la chanceuse, je suis la conscience !).

Demain, je viendrai me plaindre de son caractère qui me dessèche, mais il fallait bien une introduction à mon journal d’une femme qui ne va pas mourir en confinement !

Vendredi

10 avril 2020 § Poster un commentaire

Dix avril

Je vois bien que tu me courtises
Comme si j’étais une friandise
Tu voudrais croquer un bout de moi
Comme dans une fraise Tagada

Mais tu t’es trompé je crois,
Ni guimauve ni nougat
Bien plus sauvage que ça,
Je ne suis pas un chocolat.

Si ma confiserie t’impressionne,
Alors prends garde à toi
Car dans le fond je suis lionne
Et tu es mon repas.

(2) Ton souvenir

10 avril 2020 § 3 Commentaires

TES YEUX OCEAN – (2) Ton souvenir

Tous ces souvenirs me revinrent rapidement à l’esprit, laissant mes yeux humides de lui. Il m’écrivait que mes mots décrochaient en lui un sourire, puis deux, puis un désir ardent d’être à mes côtés. C’était presque comme si j’avais dépunaisé la lune pour la mettre au fond de son regard et mon cœur était soudain imbibé d’un amour sans limite.

Voilà. J’étais assise là, ma boîte à souvenir sur les genoux, à laisser mes rêveries m’emporter à ses côtés. Ces lettres avaient plus de quinze ans et pourtant, hier encore, je lui écrivais à quel point ses mots m’étaient indispensables :

«  Je t’ai toujours rattrapé, mais je ne me suis jamais demandée si tel était ton désir. J’espère que tu ne m’en veux pas de t’écrire, j’essaye de ne pas le faire mais tu sais à quel point nos mots me brûlent les doigts. Je te laisserai me retrouver cette fois, quand tu l’auras décidé. Mais ne sois pas trop long, je t’en prie. J’ai l’impression de mourir à chacune de tes absences. »

Notre histoire n’est sans doute pas une histoire d’amour. D’ailleurs, je ne saurais la qualifier. C’est un peu comme si j’avais rencontré son regard avec mon âme. Comme si j’avais entendu sa voix dans mes entrailles. Comme si son odeur m’était clouée dans le cœur. Je l’ai torturé autant que je l’ai aimé.

L’heure était arrivée de ranger la petite boite blanche dans le tiroir de la commode. Il était temps de refermer ces enveloppes et de l’abandonner, à nouveau, de le perdre, encore. J’aurais voulu lui dire à quel point j’ai envié tous les regards qu’il a déjà croisé, toutes les bouches qu’il a su embrasser et tous les corps dans lesquels il s’est fondu. Et puis, le nombre d’hommes qui auraient aimé être à sa place sous mes doigts, sous mes mots, tous ceux qui m’ont désiré sans jamais décroché le centième de ce que je l’aime.

 

 

(1) Les lettres

8 avril 2020 § 3 Commentaires

TES YEUX OCEAN – (1) Les lettres

Ce soir là, il ne m’a pas écrit. Je suis restée vide de mots, le cœur boiteux. Son silence pèse si lourd qu’il m’enterre dans les abysses de la mélancolie. L’évidence m’assoit : il est ainsi capable de broyer mon âme aussi bien qu’il sait la choyer.

J’ai alors décidé de le rejoindre autrement. A tout prix.

L’escalier en bois qui conduisait au grenier claquait sous chacune de mes enjambées. Arrivée à mi-hauteur, je pouvais déjà distinguer le bric-à-brac qui occupait l’espace, ne laissant aucun interstice. Six ans de ma vie, éparpillées juste là, sous ces poutres de bois peuplées de viles araignées. D’ici, je pouvais percevoir mes anciens cahiers d’école, qui dépassaient accidentellement de leur carton. La boîte que je cherchais se trouvait dans la petite commode en bois de noyer, encombrée par une poussette, un vieux coffre à jouet et quelques biberons abandonnés là. Pour l’atteindre, il me fallait également franchir un tas d’habits de bébé, de vieux ours en peluche et d’anciens souliers fanés ; écume d’une vie passée. J’ouvrai prudemment le tiroir du milieu et découvrit alors l’objet tant convoité : une boîte blanche et rouge, avec pour seule et unique épigraphe : « Instant Gourmand ». Cette dernière se laissa volontiers portée par la poignée en carton qui dominait son poitrail.

Evidemment, il me fallait m’asseoir avant de l’ouvrir. Je savais ce qu’elle contenait : un flot d’émotions, qui ne tarderaient pas à envahir mon visage ; un amas de souvenirs, prêt à coloniser mes entrailles, et un tas sourires apaisants. A l’intérieur se trouvaient quelques photos abîmées et une autre petite boite, toute blanche immaculée. Celle-ci portait à son tour, une seule inscription : « Pralinés du confiseur ». Décidemment, je me demandais si je n’allais pas finalement y découvrir de vieux chocolats avariés. Je l’ouvrai enfin, avec pour seule certitude la lenteur dont je m’efforçai de faire preuve. Elles étaient disposées là, toutes intactes et contenaient le manuscrit de mes amies, de mes amours, de mes regrets. Les mots avaient traversé le temps sur le dos de ces lettres. La plus vieille datait de 2004 et était la première lettre d’une très longue série, dont l’expéditrice s’avéra être ma plus belle histoire d’amitié. Mes mains ne purent s’empêcher de frémir, à la lecture de cette histoire, mon passé. Mon cœur se paralysa lorsque je retrouvai ses mots que j’avais tellement désirés. Je suivais du bout des doigts chacune de ses lettres, comme pour effleurer sa peau. Son écriture était concise et laconique et je m’attardais sur chaque virgule. Je savais qu’il n’aimerait pas se remémorer ces lettres. Elles faisaient état de son profond chagrin et de la mort qu’il portait dans la peau. Au milieu de sa détresse, brûlait un feu que je sentais encore : « Je te veux pour moi ». Il me demandait de lui faire goûter la vie, lui qui jusqu’alors ne connaissait que son parfait opposé.

Visage constellé

7 avril 2020 § 4 Commentaires

Mon visage est joliment constellé
Elles s’appellent tâches de rousseur ;
Elles parsèment également mon cœur
Telles des étoiles à peine nées.

Sur le parking, il y avait cette fille avec des yeux qui ressemblaient à la pleine lune. Des cheveux blonds dessinaient quelques boucles dans son dos. Son petit corsage blanc était ensaché dans son blue-jean, le tout entouré d’une ceinture marron. Sa poitrine bien ronde surplombait son ventre bien plat. De toutes évidences, ses fesses étaient athlétiques et ses cuisses étaient condamnées à se regarder sans jamais se toucher. Des sneakers emballaient ses pas aériens. Je l’ai trouvé curieusement jolie, d’un air céleste et plein d’entrain. Une femme qui en observe une autre en arrive assurément à une comparaison clandestine. C’est pour cette raison que j’ai abaissé le pare-soleil de ma voiture pour m’inspecter dans le petit miroir. Et moi alors ? Qu’aies-je de tout ça ? Mon corps fait des rebonds, mes seins ne se contentent pas d’un 90B, mon ventre fait des vagues, mes cuisses s’enlacent pour toujours et à jamais. Mes cheveux ondulés sont brun-roux-chatain, leur couleur est approximative, et sont indomptables. Mes yeux bruns ressemblent à deux grandes sphères enfermées, mon museau est certainement trop long pour embrasser sans qu’ils ne touchent quelque chose, mes lèvres sont sans cesse fendillées, protestant contre le froid, certainement. Et par dessus tout, mon visage est constellé. Elles ornent mes paupières inférieures, la partie supérieure de mon nez et finissent leur course sur mes pommettes. Mes tâches de rousseur me donnent ce « petit quelque chose qui vous entortille l’estomac ». Quant à mon accoutrement, j’ai un jean d’un bleu incertain qui a oublié de faire rebondir mon arrière-train et un t-shirt noir où il est écrit « Wild and Free ». Et cette fille là-bas, ses cheveux dansent au vent sous l’impulsion de ses pas aériens. Cette fille fait tourner les regards, à commencer par le mien.

Dimanche

5 avril 2020 § Poster un commentaire

Cinq avril

Comme une lame dans l’être
Le mal en lettres
Laisse l’âme en miettes

Les mots règnent. Ils gouvernent et dominent toutes nos relations. Malheureuses sont les personnes qui oseraient les sous-estimer. A l’ère du numérique, les mots sont encore plus glorieux. Serrés les uns contre les autres, ils sont capable de poésie. Eparpillés sur l’immensité d’une rédaction, ils peuvent détruire. Leur règne se déploie alors sur des étendues de phrases, allant de la formule guimauve à la lexie acerbe. Soignez vos mots, soyez un utilisateur averti. Parce que parfois, l’alignement de simples lettres peut provoquer des bouleversements à l’autre bout du propos. Pesez les mots que vous employez, chérissez chacun d’entre nous, comme si à chaque parole vous donniez une part de vous-même. Voilà leur importance : chaque mot porte un morceau d’âme.

Vendredi

3 avril 2020 § Poster un commentaire

Trois avril

Du bout de leurs lettres

Les mots parfois me déshabillent

Laissant tendrement apparaître

Mon âme portant ses guenilles

Ah ! L’ego et ses tirades. Qui suis-je, où vais-je ? Je ne saurai y répondre. Lorsque je ferme les yeux et que je tente de me décrire, je ne vois qu’un paysage plein de couleurs. Des sombres aux plus claires, des nuances par centaines. Piochez donc une de ces couleurs, vous connaîtrez une partie de moi mais pas ma grandeur. Je suis là, dans l’immensité du ciel et dans l’infiniment petit, aussi. Je suis les étoiles qui vous illuminent et celles qui s’éteignent, s’écrasant au sol. Je suis le jour, la nuit, l’aube et le crépuscule. Je suis aimante, amante, solitaire, solidaire. Ma langue se promène, sensuelle ou bavarde. Mes doigts pianotent ou caressent, mes mots se meuvent comme l’océan se fracasse sur les rochers. Je suis capable d’escalader, de gravir, de franchir et puis, de tomber. De m’affaler, de m’avachir et de m’abattre. J’ai des ailes qui ne savent pas voler, des sourires qui ne savent pas transmettre, des yeux aussi bruns que la terre. Je sais caresser pour transporter, je sais faire frissonner, je sais rendre fou et le devenir à mon tour. Alors, qui suis-je ?

Mardi

31 mars 2020 § Poster un commentaire

Trente-et-un mars

Voyez le vent qui se meut d’un seul et même souffle, balayant nos erreurs sur son passage. Une complainte jouée à la mémoire des arbres morts, des terres arides et des espèces disparues. Entendez le gémissement de mère Nature qui s’éveille et constate les dégâts. L’enfant du Nord hurle les maux de la Terre. J’entends son cri strident qu’aucun terme ne saurait narrer. Quelques notes volatiles se fondent au bruit du feuillage. Entendez cette plainte, vous qui haïssez le confinement : « Enfants des mers et des montagnes, des terres et des campagnes, vous vous réveillez entre mes hanches et vous endormez dans mes bras, mon sein vous nourrit, ma bouche vous étanche et ma chaleur vous choie. Votre désinvolture me parait étrange, autant que votre indifférence car en tirant dans mon flanc, vous faites couler votre sang ».

Où suis-je ?

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